Le bon livre pour faire rimer couleur et douleur

Le dernier voyage de Soutine, Ralph Dutli

A offrir à un artiste

« Le peintre non plus ne voit pas le paysage. Il est allongé dans la pénombre de la Citroën, protégé par des rideaux gris qui ondulent. Seule sa vie lance encore une fois son cri du fin fond de ses souvenirs flottants, dans la douleur endiguée, dans les bribes des anciens désirs, dans la peur des rêves qui continuent à se tisser. C’était son dernier incendie. Personne ne connaît la route. Nul ne l’apprendra jamais. Personne ne peut savoir qui est l’homme allongé dans le fourgon mortuaire qui passe. Il n’y a que les tableaux, les rares tableaux qu’il n’a pas déchirés et brûlés. Personne ne le connaît. »

Dutli revit les dernières heures du peintre Chaïm Soutine, trimballé à travers la France occupée pour se faire opérer d’un ulcère, caché dans un corbillard afin d’échapper aux Allemands à sa recherche, drogué pour ne plus sentir la souffrance qui le poursuit depuis toujours. Ces longues heures de fuite désordonnée, abruties par la morphine, offrent le temps de retracer, entre faits historiques et hallucinations, l’existence d’un artiste rongé par la crainte, la douleur et le besoin de peindre. En miroir de la vie de du peintre, se dessine une France assoiffée d’art et de beauté, mais rongée par son propre ulcère politique.

Les phrases de Ralph Dutli sont torturées comme les paysages de Soutine, aussi sombres et sanguines que ses natures mortes, et douloureuses que ses portraits d’enfants. Au lecteur de s’accrocher pour suivre cette langue zigzaguant à la suite du corbillard qui doit sauver le peintre et ses oeuvres.

LB

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