Etat de siège, de Mahmoud Darwich

 À offrir à celui qui veut crier (en poésie!)

Mahmoud Darwich, poète et rédacteur dans diverses revues, symbole éternel de la cause palestinienne (lui en déplaise !), écrivit les 90 fragments poétiques d’Etat de siège durant l’occupation armée de Ramallah par l’Etat israélien, en janvier 2002. Au cœur de ce poème, qui oscille entre prose et rimes (si l’on suit les arabophones), est un long cri. Si toute littérature est plus pure en ses propres mots, en sa propre langue, c’est bien sûr encore plus vrai en poésie. Mais ce poème, même traduit, est essentiel, essentiellement beau.

« Je crierai dans ma solitude / Non pour réveiller ceux qui dorment / Mais pour que mon cri me réveille / de mon imagination captive ! »

Seul et isolé, désespéré et pourtant espérant demain, le poète s’adresse à un galerie de compagnons (un poète, la poésie, la prose, le lecteur) et d’ennemis (les gardiens de prison, les assassins, la mort) pour leur conter sa douleur, et sa solution: la poésie. Le sentiment d’enfermement, l’attente, la torpeur habitent ce texte. Si les mots semblent simples et glissent doucement, des images féroces se dessinent, une rage puissante et une tristesse infinie s’installent.

Le poème s’ouvre sur un premier fragment sidérant, qui déjà raconte en douceur, toute l’horreur : la béance du temps suspendu et lardé, les arbres auxquels on a arraché les branches comme aux hommes les membres, un paysage où seul l’espoir permet encore de vivre.

« Ici sur les pentes des collines, face au couchant / Et à la béance du temps, / Près des vergers à l’ombre coupée, /Tels les prisonniers, / Tels les chômeurs,/ Nous cultivons l’espoir »

Un texte sublime (mais très sombre), à découvrir ou relire absolument.

 JM